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Naissance d'une passion

Il aurait de l'allure avec, son ancienne baguette est bien trop moche avec son manche de liège et sa fine tige de bois, il mériterait bien celle-là. L'idée me vient, évidente : j'entre dans le magasin et en demande le prix.
Ouh, c'est très cher ! J'ai bien un peu d'argent dans ma tirelire que je garde pour m'acheter une lampe torche "G.I." très à la mode, mais pas assez pour l'acheter. Je rentre à toute vitesse chez moi et en parle à ma mère, la plus facile à convaincre.
(Maman à Grenoble)
Puis mon père rentre de son travail et je dois l'affronter... Ouf ! Ils sont d'accord pour mettre le reste à condition que je m'engage à apporter de bonnes notes. Marché conclu.
Le jeudi suivant, j'arrive tout excité et lui offre fièrement le paquet cadeau. Il l'ouvre avec son habituel sourire. Pas un mot ! Mais ce sont ses yeux brillants d'émotion qui répondent à mon regard interrogateur, c'est mon plus beau cadeau, il vaut tous les mercis du monde ! (Le Frère Pacifique)
A 10 ans, je suis récompensé de mes efforts : Je deviens soliste soprano parmi les deux cents mômes de la chorale des Aiglons. Ma première intervention est de chanter les huit premières mesures du "Pie Jesus" à la messe du dimanche matin, installé avec toute la chorale sur les hauteurs du fond de l'église, devant les grandes orgues.

 
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Naissance d'une passion



Toute la chorale doit reprendre après moi. Mon cœur bat à rompre. J'ai une peur bleue de ne pas être à la hauteur ; et si je chantais mal, si je venais à chanter faux ? Si je le décevais… Je regarde avec angoisse le parterre de l'église qui est pleine de monde. Autre découverte qui ne me quittera plus de la vie : le trac. Le Frère Pacifique me regarde d'un air interrogateur qui semble dire : "C'est à toi, tu es prêt ?" L'harmonium émet une note pour me donner la tonalité.
Mais pourquoi suis-je ici, qu'est-ce que je suis venu faire, je ne pouvais pas rester chez moi ? Ou plus simplement rester caché au milieu des deux cents gamins ? Pendant cette pensée, je fais un oui de la tête et la baguette dessine dans l'air les quatre temps : 1, 2, 3, 4... Ma voix s'élève à ma grande surprise, je suis comme pétrifié ; je jette un coup d'œil en bas, sur les gens. Ils se sont retournés pour voir qui chante. Il me semble apercevoir des sourires çà et là, mais je n'en suis pas sûr, je n'ose pas trop regarder. Je fuis cette angoissante vision en regardant le Frère Pacifique. Il me sourit d'un air étincelant de fierté. L'émotion monte en moi, mes yeux sont humides et le triomphe éclate dans ma voix qui devient plus posée. C'est gagné !