Lits en portefeuille, matelas balancés dans la rue par la fenêtre (il faut voir la tête du veilleur de nuit quand on passe devant lui avec matelas et draps sur l’épaule), me font oublier mes premières craintes. Mon compagnon de chambrée a une curieuse habitude : il met toujours ses chemises à l’envers…
Un jour j’ose lui demander :
- « Pourquoi tu fais ça ? »
- « Hé vé ! C’est pour garder l’endroit propre au cas ou je rencontrerai une fille »
Et puis il y a ce jeune commis de cuisine malgache qui affronte tous les dangers en nous ouvrant les frigos la nuit pour nous faire cuire d'énormes steaks.
- « Moi je wisque 'ien ! Wegarde mon talon, c'est le so'cier qui l'a mangé là !... pou' m'enlever le mal et me p'otéger pou' la vie » nous dit-il dans un éclat de rire quand on s'inquiète pour lui. Et c'est vrai qu'il lui manque un bout de talon !

Chaque samedi soir, je vais écouter les orchestres de bal et leur proposer mes services. Un orchestre justement recherche un chanteur.

Me voilà dans les “Blues Singers”, heureux de pouvoir rechanter. C’est assurément une nouvelle bonne école pour moi : chanter pratiquement quatre heures de suite non stop par soirée, je suis le seul chanteur de l’orchestre. Au début, j’ai la voix claire et j’enchaîne des chansons de Tom Jones ou Engelbert Humperdinck, de Samy Davis Jr ou d’autres crooners pendant les deux premières heures ; ensuite, la voix cassée par la fatigue, c’est un répertoire de Rythm and Blues qui s’enchaîne : chansons d’Otis Redding, de Wilson Pickett..."photo"

Cette expérience me plaît, car je ne chante que ce que j’aime sans aucune protestation des musiciens et dans la formation, il y a des cuivres, ce que je n'avais pas dans les Vampires. Tout cela donnera d’ailleurs une couleur à l’orchestre qui ne joue pas les derniers titres du hit parade français mais part dans un style plus “rock”. Mais quand arrive l’heure de plier bagage, c’est plutôt dur, il faut démonter tout le matériel, charger le petit fourgon et nous retournons chez nous pas très frais...