Le problème, c’est qu’il me reste tout juste 150 francs pour vivre, c’est à dire, m’habiller, manger, me déplacer et acheter des timbres pour écrire à mes parents.
J’achète un réchaud “camping gaz” avec le bec qui se visse sur la minuscule bombonne et fait réchauffer directement la boîte journalière de flageolets à la tomate, la conserve la moins chère dans les épiceries. Les jours de festins, je m’achète une baguette de pain… Non, en fait, les vrais jours de festins sont mes visites chez un oncle qui vit avec sa femme du côté de la place de la République.
Comme par hasard, j’arrive une fois par semaine à 19 heures chez eux :
- Bonjour, je passais dans le coin et je venais vous dire bonsoir...
- Tu vas manger avec nous !
- Oh, je ne voudrais pas vous déranger !
- Mais si, assis-toi là !
Je déguste avec convoitise quelques tranches fines, si fines qu’on voit à travers, des rondelles de la rosette de Lyon, séchée à souhait, qui fondent sur ma langue. C’est tellement délicieux !
Et là, comment pourrais-je oublier un jour cet homme et cette femme, leur gentillesse affectueuse et humaine et leur cuisine délicieuse qui me regonflait l’estomac pour quelques jours.